Nox est nostri
La nuit est un autre monde.
La nuit est nôtre.
[Juin 2021]
La nuit, chez nous, le ciel est rouge. Je ne veux pas dormir. J’ai peur.
Je ne veux pas dormir. Comme une enfant, je veille.
Je fais semblant.
Je veille, enfant.
Je repousse le sommeil, cette demi-mort.
Je suis déjà à demi-morte.
Le serai-je tout à fait, si je m’endors ?
Là où je suis, le ciel est rouge.
Et quand je pleure, les chats sourient.
Les souris dansent.
Mes grands-parents vivent.
Moi je décrépis.
(Quoiqu’en un an, l’un d’eux n’est déjà plus. Ces fleurs que j’aime tant sont trop près de mourir. Et la jeunesse me vole mon temps.)
Je décrépis déjà tout au fond de mon lit.
Je n’ai rien construit.
Je construirai peut-être.
Peut-être.
Mes désirs sont puérils.
Et je n’accomplis rien.
(Tes écrits sont puérils, tu n'accompliras rien. Or, ce n'est pas un problème.)
Car même si je deviens,
Toute chose est futile.
Je vis en vain.
(Je vis du moins.)
Et pourtant le sommeil m’effraie.
J’ai peur, Morphée. J’ai peur d’asphyxier. (La nuit, j’écris encore.) Je n’ai plus envie.
Un autre jour. (Une autre nuit)
Ça fait peur. (et encore aujourd'hui)
Un autre jour avec moi.
Je ne suis pas gentille.
Je suis juste angoissée.
(Mes sourires sont réels, vos regards me font peur. Mes sourires sont réels, même quand je suis seule.)
Et quand je pleure, il sourit.
(Aujourd’hui, je ne m’emporte plus avec lui. Il sourira toute sa vie, le déni est sa protection.)
Et quand je demande de l’aide, les parents disent que je n’ai plus l’âge.
Ils m’abandonnent.
Ils ne me protègent plus
de moi.
Et pourtant ils agréent : « C’est une marque de maturité de demander de l’aide. Les adultes aussi ont leurs problèmes. »
Oui, tout à fait... Je peux partir.
Ils ne t’écoutent pas.
(Je ne les écoutai pas. Je n'entendais pas leurs problèmes, je ne comprenais pas leurs faiblesses. Je ne supportais pas leur inconstance, je ne les croyais à aucun moment. J'ai appris à écouter, depuis je me sens choyée.)
Je suis déjà à demi-morte.
Le serai-je tout à fait, car je m’endors.
(Tu savais comme je sais maintenant, nous tombons sous le poids de ses mains.)
L’enfant, recueillie par Morphée, se meure dans ses bras.
Le papillon veille.
[Octobre 2021]
Tu vois les bougies qui crépitent ?
Eh bien je ne crépite plus.
Je suis cette bougie qu’on a mise sous cloche.
Une pauvre fumée émane de moi, pleine d’obscures idées.
Je m’assomme d’histoires, je me détourne du vide.
Je fuis ce trou en ma poitrine,
Du matin jusqu’au soir.
Et la nuit venue,
Je pleure seule dans le noir.
[Mai 2022]
Et leurs rires me sortent des larmes. Et leur voix me font taire.
Ils réveillent mes souvenirs, je les assomme, ils réveillent, j’assomme, ils réveillent, je ne dors plus. Ai-je un jour dormi ? La nuit je ne dors plus depuis longtemps, je grandis autrement, je grandis, ou je rétrécie. Je redeviens enfant car le jour j’ai perdu, perdu, et la lumière dans mes yeux, la lumière bleue, la lumière perfore mes yeux, les murmure arrachent mes tympans.
Eux tous les trois, moi à l’écart, par choix, à l’écrit.
[Août 2022]
« Suffer with me »
Sous le soleil et la lumière
Souffre avec moi comme il te plaira
Rigole, chante et danse
Oublie la tristesse que tu portes
Ce noeud noir
Ce vide qui absorbe tout
La lumière du ciel disparaît
Et tu rigoles, chantes dans le noir
Tu danses, te cognes
Tu ne distingues rien
Tu ressens juste le noir
Et les autres t’endendront rire sous la lumière et le soleil
Ils danseront et fêteront avec toi
Pourtant tu seras seul dans le noir
Eux danseront sous la lumière
Je me souviens des couleurs
Elles peuplent mes cauchemars
Je me heurte aux couleurs
Elles me hantent
Elles me manquent
Vois-tu,
Souvent je les vois
Je les vois naître : être dévorées par le noir
Comme s’alternent le jour et la nuit…
Le noir efface mes mots
Comme s’alternent le jour et la nuit… Je souffre, je ris.
Toujours, je fatigue
Les mains parcourent des kilomètres sur les bords du lit
Les doigts galopent la nuit
Le jour, ils se tordent de joie, se rencontrent et tordent le papier.
Je souris, je parle, je vis.
Les mains déchiquettent
Elles écrivent ce que je ne dis pas, disent ce que je ne pense pas.
Elles remuent le noir.
Le noir est effrayant
Il absorbe les couleurs
Il t’absorbe toi aussi
Il m’a absorbé
J’ai appelé à l’aide
Je suis ressortie
Mais le noir s’est ancré dans mes yeux
Le monde
Le monde est devenu noir
L’éclat de ténèbre
Logé dans ma pupille
Altère ma vision
On me dit rose
Mais j’entends gris
Et je vois noir
J’ai perdu mes repères
J’ai beau pleurer, l’éclat s’est intégré
Je ne verrai plus rose, pas constamment, pas comme avant.
(Je le croyais sincèrement, et pourtant je n'y crois plus. Le noir a donné de la profondeur aux couleurs. J'aime ces trous noirs dans nos yeux.)
Et pourtant je retrouve les couleurs
Mes mains s’accrochent à l’extérieur
Seulement
Quand un obstacle apparaît
Je trébuche
Et la balle éclate (la balle éclate dans mon œil)
Dans mon œil s’étale le noir
Je te le jure : quand le noir déloge les couleurs, je crois tout perdre à jamais
À chaque obstacle
Je crois devenir aveugle
À tout jamais
Imagine le froid qui te prend
La peur
Tu ne verras plus jamais les couleurs
Jamais. Jamais. Jamais.
Tu vivras dans le noir
Tu disparaîtras
Ta personnalité, absorbée
Nous ne te verrions plus
Tu seras ombre
Pourtant les couleurs renaissent
Le jour se lève
Et l’ombre s’éloigne
Pour un temps
Sous le soleil et la lumière.
[Octobre 2022]
Les paupières tombent
Les espoirs ont l’habitude de tomber des citronniers
Les « cœurs suspendus » sont si souvent pressés
L’amertume au bout des lèvres
Non
L’acidité aux bords des yeux
Une inspiration
Respire, débloque, ouvre ta poitrine, prends le soleil, ancre-toi dans le sol
Tu n’as pas le temps de mourir.
Je ne suis pas un saule.
Je suis un citronnier.
Et jamais je ne mourrai.
Non les larmes n’en seront pas. Rien d’autre que de l’acide qui transperce et aveugle les autres.
Je suis cet arbre aux milles soleils.
Attends de me voir pousser.
Oui, je me convaincs.
Je vaincs.
Je me vois.
J’irai.
Je deviendrai ce que je suis.
Je sais.
Je me connais.
Je m’accomplis.
Je m’appelle Victoire.
Je suis une étoile.
Une constellation.
Je suis un lion.
Les paupières se ferment sur des soleils.
Les paupières palpitent.
Mon cœur papillonne.
J’ai peur.
Je suis portée par la vague.
Sur ma peau
Milles baisers du soleil sur ma peau
La chaleur d’une étreinte qui me laisse espérer.
J’ai peur certes
Toujours
Jusque maintenant
J’avais peur
J’ai peur de ce changement où je n’ai plus peur.
Je n’ai juste plus le temps.
Ici, le temps n’existe pas.
Le temps est flou, le temps passe.
Le temps passe.
Le temps est passé.
Nous n’avons pas le temps de mourir.
Nous ne pouvons que vivre ces jours verticaux.
Et à l’horizontale nous rêvons la nuit.
Sur mon lit je meure à l’habitude, se déferlent les démons, reviennent les flux.
Le jour, je suis Soleil.
La nuit, je suis Ombre.
Je ne suis plus.
Je ne suis pas.
Je n’ai jamais.
Et jamais ne viendra le Soleil.
Je le sais. Je le sais.
Je le sais.
Puisque c’est la nuit que j’écris.
Le jour est une illusion.
Voyons, tu sais : tu as peur, tu es stressée.
Et pourtant je n’y crois plus.
Les ténèbres sont contaminés par la Lumière.
Je ne suis pas : j’ai toujours été.
Je découvre que tout a déjà été écrit.
Prémonition autoréalisatrice ?
Instinct intime ?
Dites-moi ô astres ?
(Oui, dites-moi, femmes changeantes, ce que mon cœur a d’acide.)
Dites-moi mon avenir.
Confirmez-vous mes certitudes ?
Sur le fil, je vacille entre le doute et la conviction.
L’espoir est acide.
À qui sont ces soleils mourants écrasés sur le sol, dégoulinant de lumière et de rancoeur ?
[Novembre 2022]
« Les yeux que l’on ferme voient encore »
Tu parlais de la mort.
Pourtant, cette nuit, tandis que chacun dort
Mes yeux clos voient encore.
Vivais-tu l’insomnie Prudhomme ?
Car je la lis entre tes mots :
« Et le soleil se lève encore. »
Œil éclaté, œil décomposé tu coules
Pourquoi ne te reposes-tu pas ?
La nuit œil rêveur, le jour observateur,
Toujours en ton iris se forment des couleurs
Tu peins notre mémoire, tu peins sans vraiment voir
Tu glisses sur les choses, tu ne graves pas tu n’oses
À jamais nous marquer
Et nous rêvons la nuit, et nous rêvons le jour.
Je ne dors plus la nuit, j’ai trop de rêves en cours, en cours
Je dors, j’écoute et je dessine
Les spectres qui hantent mes nuit.
Œil ardent, tu pleures.
Le repos te refuse.
On s’éclate sur les écrans, œil je m’use.
(Muse terrible, Nox, tu te joue de nous.)
Quand tomberas le jour, la tête j’aurai coupée
Les yeux tombés à terre, je dors comme une poupée.
Je plonge dans le sommeil, ne coule jamais assez
Lors tu taches le jour, de ton encre noire, l'or du soir.
Œil tu te joues de moi.
Les trésors de la nuit encombrent tes paupières.
Jamais tu ne les fermes.
Et jamais ne les vois-je.
Œil j’ai mal, et nous pleurons ensemble
Le matin je le vois.
La lumière nous attend.
Et le jour sur les doigts,
Œil, mon roi, nous mourrons.
[Décembre 2022]
Je ne peux plus dormir
Les mots sont trop précieux
Alors que mes yeux brûlent
Je n’ai pas d’autre choix
Que la rétine sur le papier
Et sur l’écran s’éclatent mes mots.