J'attends que la pluie passe.

    J'attends, un carnet dans la main, que la pluie passe. Abrité sous le fin manteau d'un saule pleureur, j'attends son départ. Je ne veux point, par manque de parapluie, mettre en péril mes écrits. Ainsi, j'attends.

    Si je ne peux pas la fuir, j'essaye de la consoler... en vain : j'ignore la raison de ses pleurs. Mais je ne suis pas le seul à tenter de la réconforter : le cours d'eau  non loin de moi tremble, bouleversé par le chagrin de sa mère. Je le comprends : il est difficile de regarder, impuissant, un être aimé consumé par la tristesse. Mais, s'il ne peut tarir ses larmes, il les recueille en son sein. Il reçoit, compatit et donne raison à sa désolation. Pourtant simple spectateur, cela résonne dans mon coeur. La  mélancolie se calme, et le tonnerre n'a pas grondé. Je comprends que les larmes, de la colère peuvent épargner.

    Je repense aux reproches sur les miennes coulant à flots, sur le torrent creusant mes joues à chaque émotion, sur l'orage perçant ma voix à chaque inondation. Mais, lorsque je construis des barrages, je me noie à l'intérieur. De cet océan parfois naît la rage, et elle me brûle pendant des heures. Alors, pour survivre au fléau, je laisse éclater la tempête. Je ravage les autres, pour qu'ils ne saccagent ma tête. Et, tout ébranlé, je hurle la blessure que je voulais  cacher.

    Ce sont des milliers de petites larmes qui ont formé mon étendue salée. Mais, si je n'avais écouté ces conseils d'artifices, si je les avais pleurées avant qu'elles ne se réunissent, le tourment aurait-il été si vif ? Si j'avais laissé la pluie régulièrement cultiver la terre, peut-être aurait-elle créé la vie ? Alors, pourquoi arrêter de pleurer ? Pourquoi cacher cette si subtile sensibilité ? Cette eau si fabuleuse fait fleurir nos jardins secrets. Cette pluie si précieuse arrose nos vergers. C'est une fois l'averse achevée que le soleil peut rayonner, une fois la désolation acceptée que le sourire peut tout illuminer.

     J'attendais que la pluie passe. Et j'ai assez attendu pour qu'elle le fasse.